lundi 31 juillet 2006

Gorge 06 part VIII: Skunk à Roosevelt


Huitième journée consécutive de vent hier. Les prévisions étaient du tonnerre pour les sites de l’est, surtout qu’Hood River était couverte de nuages. Les troupes se divisent donc entre The Wall et Roosevelt avec leurs variantes (Rufus, Arlington, Maryhill…).

Je me pointe donc à Roosevelt vers 9h du matin. Il y a déjà foule, beaucoup de jeunes kiters et de vieux planchistes. La situation sur l’eau semble prometteuse. Je monte une 5,0 pour tout de suite et une 4,4 pour plus tard.

Vers 10 heures, le vent baisse, contre toutes attentes. Je suis donc allé avec la 5,5/86L, profitant encore une fois d’un plan d’eau à peu près désert, la plupart des planchistes pratiquant le boudage.

Le gros vent ne s’est jamais manifesté et c’est à une journée « light wind » que nous avons eu droit.

Ce matin, Bart a fait une petite montée de lait à la radio. C’est celui qui fait les prévisions de vent pour la journée. Tout un personnage, faudrait que je fasse un topo sur ce gars-là, un jour.

Il racontait que des gens s’étaient plaint à lui des « conditions 3,7 et 4,2 marginales » de la veille. Il disait qu’il n’y a pas de mal à monter une 5,2, que The Gorge est l’un des endroits les plus venteux au monde et qu’il n’y a aucune raison de se plaindre de quoi que ce soit.

Ce n’est pas moi qui va le contredire, mais je pourrais rajouter qu’il y a bien pire qu’une journée de baston qui ne s’est pas présentée. Il y a les gros drames et les petits drames, ceux qui passent géneralement inaperçus, comme celui de Ginger.

Ginger, c’est la « camp host » du parc de Roosevelt. La tâche principale des « camp host » en est une de surveillance. En échange, ils ont accès gratuitement au site, avec commodités comme électricité et renvoi d’égout.

Les « camp hosts » sont généralement des retraités qui ont vendu leur maison pour la remplacer par un « motor home ». Ils passent l’hiver au Texas ou en Arizona puis, en été, ils migrent vers le nord pour fuir la chaleur. L’accès gratuit à un site est donc bienvenu. Aussi, le rôle de « camp host » permet de socialiser plus facilement.

J’ai fait la connaissance de Ginger l’an passé. Un dame timide dans la bonne soixantaine. Ginger en fait beaucoup plus que demandé. Elle bosse à la journée longue pour maintenir « son » parc impeccable. Car ce que Ginger désire le plus au monde, c’est de demeurer la « camp host » de Roosevelt.

Elle m’aime bien, Ginger. Je la fais rire avec mes histoires, parfois même, je la fais rougir. L’an passé, elle nous avait invité à dîner, Planchette et moi, à son motorisé, pour que nous fassions connaissance avec son mari, Don.

Don est atteint de la sclérose en plaque. Il se déplace difficilement avec une canne, probablement plus à cause de son obésité que de sa sclérose en plaque pas si avancée que ça. Pour tout dire, je l’ai même soupçonné d’être un paresseux qui profite de sa maladie pour mieux se faire servir par Ginger.

Ginger m’a raconté son histoire. Ils ont vendu leur maison à Hood River à bon prix pour s’acheter un motorisé. J’ai deviné que Ginger en avait marre de vivre enfermée avec Don et qu’elle avait besoin d’espace. Ils partagent leur temps entre l’Arizona et Roosevelt, qu’elle adore. Ils s’en tirent financièrement en étant « camp host ».

Cette année, le parc est moins bien entretenu par Ginger, car elle doit se rendre très souvent au chevet de son mari hospitalisé. Don s’est fait nouer l’estomac. Vous savez, cette opération que l’on pratique de plus en plus aux States pour calmer l’appétit des obèses morbides. L’opération a mal tourné et de graves complications ont suivi.

Ginger est paniquée à l’idée qu’elle puisse perdre son titre de « camp host » parce qu’elle croit ne plus être à la hauteur aux yeux des rangers du parc. Elle avait les larmes aux yeux quand elle me racontait tout ça.

Je me souviens encore de Don qui exhibait fièrement la photo de Ginger, alors qu’elle était jeune femme. La plus belle de Hood River, qu’il avait appâté avec sa grande gueule. Il avait choisi le bon numéro. Pas elle.

Hier, je suis parti triste de Roosevelt. Et c’est pas parce que j’avais fait de la 5,5.

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