dimanche 13 août 2006

Gorge 06 part XI: C'est fini

Aujourd’hui, ç’était ma dernière journée de planche aux Gorges. Je pensais bien qu’elle serait mémorable. Tous les ingrédients y étaient ; une grosse ligne de nuages à l’ouest, un ciel tout bleu à l’est :



Finalement, ce fut un avant-midi assez ordinaire en 5.5/86 litres. En après-midi, les conditions se sont détériorées, alors j'ai paqueté mes petits et je suis allé au camping pour préparer mon départ prévu pour demain matin. Il ne ventera pas et c’est tant mieux pour moi, je déteste partir quand y vente.

C’était ma 60ième journée aux Gorges. Ma 54ième journée de planche. Ne sortez pas vos calculatrices, je fais le calcul pour vous: ça fait 90% de journées planchées, ma meilleure saison ici jusqu’à présent. Pour amateurs de statistiques, je vous ferai un compte-rendu plus détaillé un peu plus tard.

Pour fêter ça, j’ai invité des amis américains à dîner au restaurant. On a bien rigolé. Il y avait Dwight, un politicien d’allégeance démocrate de Seattle. Une grande gueule comme ça se peut pas. Tout un contraste avec sa femme, toute douce. Je me souviens encore de ses tirades contre Gorge Bush en 2002, à l’époque où quiconque n’était pas derrière Bush était considéré ici comme un traître à la nation. Du cran, mon ami Dwight.

L’an passé, je n’ai pas vu beaucoup Dwight aux Gorge. Il était en campagne électorale. Il a été défait. Pas grave, on l’a nommé président du parti démocrate pour l’état de Washington. Comme il disait à table,
« derrière chaque homme qui réussit, il y a une belle-mère étonnée ».

J’écouterais pendant des heures et des heures les récits de Dwight, particulièrement quand il parle des années fin 60 début 70, dans sa période activiste. Mais bon, on est aux États-Unis. À 18h, on entrait dans le resto. À 19h, on se faisait des «hugs» en guise d’adieu. Ça s’éternise pas à table, un américain.

Il m’a fait promettre encore une fois que Planchette et moi irons passer quelques jours chez lui à Seattle, l’an prochain. Paraît que c’est une belle ville. On va sûrement le faire, on va trouver le moyen de s’éloigner du magnétisme des Gorges. Y a pas que la planche dans la vie. Mais c’est peut-être facile à dire après 54 jours quasi-consécutifs de planche.

Donc demain, le départ. La transmission de ma camionnette fait un drôle de bruit. Tout ce que je souhaite, c’est qu’elle ne me lâche pas au Wyoming.

ps:Y a de la planche partout à Hood River. Même sur les affiches de centre d'achat:

samedi 5 août 2006

Gorge 06 part X: Fin de séquence

Ma dernière séquence de journées venteuses s’est finalement arrêtée à 13. Aujourd’hui, c’est samedi et comme partout dans le monde, le syndrôme «y vente pas la fin de semaine» a pris le dessus.

Grosse journée hier à The Hatchery. Déjà, à 6h30 du matin la «Dawn Patrol » sévissait :


Une journée de 4.0 pour moi. C’est pas mes journées favorites à The Hatch; le vent s’amuse à faire les montagnes russes et c’est le champ de bataille sur l’eau. Je préfère de loin Roosevelt dans ces conditions.

Quand même une bonne journée et surtout drôle d’écouter les gens réinventer la journée à la fin de celle-ci. Fallait entendre Jane qui a «ridé le swell pendant au moins cinq heures» alors que j’ai chronométré 4 sorties de 15 minutes. Et entendre le bonheur des gros gars «totally overpowered on my 3,7» alors qu’ils ont passé (comme moi) la majorité de la journée à changer de voile.

De retour au camping, je me rends compte que j’ai oublié ma glacière. Je reprends donc l’autoroute, prend la sortie pour le pont à péage qui me mène à The Hatch. C’est l’heure de pointe, y a une dizaine de véhicules qui font l’arrêt. Je me vois déjà attendre un bon dix minutes avant que je puisse me faufiler entre deux voitures qui arrivent par la route transversale et qui n’ont pas à arrêter.

Même pas! La courtoisie est de mise à Hood River. Il y a donc alternance de véhicules entre ceux qui doivent faire l’arrêt et ceux qui théoriquement ont le droit de passage. Une chose qu’on ne verrait jamais à Montréal et encore moins au Far-West routier qu’est mon Plateau Mont-Royal.

Ciel, qu’ils sont courtois les gens ici. Demandez à quelqu’un où sont les téléphones publics, il vous offrira son cellulaire. Mettez le petit orteil sur la rue, tous les véhicules s’immobilisent séance tenante. Ici, tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, tout le monde vous dit: «Hi! How are you doing?».

Jamais vu d’affiche « défense de fumer » dans les restos; ça va de soi. Dans les parcs, on prépare la génération future:


La criminalité ici se résume à un stationnement payant oublié. Très rarement, ça peut dégénérer en crimes plus graves, mais ceux-ci sont commis par des gens de passage, comme celui de Jim, du New Hamshire.

Il est tellement con, ce pauvre Jim, qu’il finit par en être sympathique. Voici comment il s’était présenté à Planchette; il avait trouvé un mulot blessé qu’il avait brandit au visage de Planchette pour lui faire peur. Elle avait un peu décontenancé Jim en prenant la pauvre petite bête dans sa main pour la flatter.

Jim est un planchiste qui vient ici en avion avec son matériel et se loue sur place un véhicule, qui lui servira aussi de domicile. Il y a quelques années, il avait loué un gros camion ordinairement utilisé pour les déménagements avec le gros lettrage «Avis-Rent-A-Truck» sur la boîte du camion.

En sortant de chez Pietro’s Pizza, le pauvre accroche une vieille voiture avec son «Rent-A-Truck ». La bosse est mineure, une centaine de dollars de dommage tout au plus, mais le pauvre Jim prend la poudre d’escampette, convaincu que personne ne l’a vu.

Comme il ne se passe jamais grand'chose à Hood River, le moindre détail d’anormal est toujours remarqué. Il paraît que l’arrestation de Jim, le lendemain à un Doug’s Beach bondé, fut magistrale.

Le pauvre Jim s’en est tiré avec des milliers de dollars en frais d’avocats.

Le gars qui m’a conté l’histoire était tout surpris que je ne la savais pas. Il me l’a raconté pendant que Jim tentait de dissimuler avec du nettoyant un accrochage qu’il avait encore eu la veille avec son véhicule.

J’étais crampé quand le gars me la racontait. C’est peut-être aussi pour ça que j’ai oublié la glacière.

Pour en revenir au vent, il reprend lundi, après la fin de semaine, obéïssant à l’ordre des choses.

mercredi 2 août 2006

Gorge 06 part IX: Relax à The Hatch

Onzième journée consécutive de planche. Pour éviter le burn-out, je suis tombé en mode économie d’énergie. Je m’en tiens à 3 heures max. sur l’eau, que je m’arrange pour faire en avant-midi. L’après-midi, je prends ça relax.

Je vous écris présentement du Dog River Café, à Hood River, sur Oak Street, qui ressemble de plus en plus à la rue Laurier à Outremont. Pour mes copains français, Outremont est un quartier chic de Montréal, l’endroit même où Renaud avait acheté sa «Cabane au Canada ».

Ça, s’est Oak Street :




Ce matin, c’était pour moi la définition du bonheur; de la 5.0 en 86 litres, du beau swell et un Hatchery à peu près vide:



Sur la plage, quelques belles filles qui montaient tranquillement des 3,7 et des 4,0:



J’allais ajouter « dans leurs gros motorisés, des colons qui dormaient », mais je me suis retenu . Car j’ai décidé de ne voir que le positif dans la vie, à l’image de Garth, l’entraîneur de Planchette.

Garth, c’est un gars dans les débuts de sa quarantaine, qui a cessé de travailler il y a une quinzaine d’année pour se consacrer à la planche à temps plein. Je le soupçonne d’avoir eu un père avant lui. Et d’avoir fait le choix de ne pas perpétuer la fortune familiale.

Ce que j’aime beaucoup chez Garth, c’est son positivisme. Garth trouve toujours le moyen de s’amuser quelque soit les conditions. Le vent est gusty, genre 15 rafales à 30 nœuds, il dira « it’s technical out there » ou encore « it has its moments ». Il planche toujours comme un gars qui n’a pas été sur l’eau depuis un mois, avec le gros sourire étampé dans la face. Jamais blasé, le Garth, même s’il cumule au moins 200 jours de planche par année.

Il fait parti des réguliers, que je revois d’année en année. Ce matin, nous étions six sur l’eau, je les connaissais tous. On s’est rapidement partagé le plan d’eau, pour que chacun profite d’un swell immaculé. De loin, on s’échangeait des sourires complices.

Planchette aurait été fière de moi. Je restais dans le premier tiers de la rivière, là où le swell est le plus beau, délaissant la ligne droite et la vitesse au profit du « swell riding », qui dans mon cas se traduit par faire un maximum de jibes sur le dos lisse des vagues.

Que c’était relax! Un peu trop même. À un moment donné, je jibe et aperçois une barge immense que je n’avais jamais vu venir. Elle a dû me manquer d’une vingtaine de secondes. Une chance qu’elle n’a pas hurlé de tous ses sifflets. Je serais probablement mort d’une crise cardiaque.

Guyt, mort de peur à The Gorge. Une belle fin, tout de même.